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Évitons les raccourcis

Dernière mise à jour : 29 juin 2023

Récemment, le gouvernement annonçait la mise en place d’un groupe de travail qui devra « se réunir de manière urgente afin d’identifier de quelles manières et à quelles conditions les bacheliers de psychologie et d’autres disciplines connexes pourraient être mieux utilisés dans le domaine de la santé mentale des réseaux publics ou dans le privé ».


Pourtant, l’embauche de bacheliers en psychologie dans le réseau public est déjà pratique courante. Ces employés sont appelés des agents de relations humaines (ARH). Même que parfois, des postes de psychologues sont abolis et transformés en postes d’ARH, ce qui est très préoccupant. Entre 2020 et 2021, le nombre d’équivalents temps complet d’ARH a augmenté de 20,8 % dans le réseau de la santé alors que le nombre d’équivalents temps complet de psychologues a diminué de 5,2 %.

Bien que les ARH aient leur place dans le réseau, il serait dangereux d’agir comme s’ils pouvaient remplacer les psychologues sans en posséder la formation complète. Cela est non seulement une insulte pour les psychologues, mais aussi pour les universités formatrices et finalement pour la population qui est en droit d’avoir accès à l’expertise des psychologues.

La formation doctorale, voire plus, est exigée presque partout en Amérique du Nord pour devenir psychologue.

Le baccalauréat en psychologie permet d’acquérir des connaissances de base, mais ne forme pas un psychologue.

A-t-on besoin de faire la liste des titres d’emploi qui exigent plus qu’une formation de base ou un baccalauréat ? Personne ne remet cela en question. Pourquoi la santé mentale est traitée différemment ?


La psyché humaine est extrêmement complexe et les façons de l’apaiser le sont tout autant.


Mauvaises conditions salariales

Un des objectifs du comité sera également d’examiner s’il est possible de former plus de psychologues. Toutefois, rien ne porte à croire que ces derniers choisiront de travailler dans le réseau public. Même si 85 % des doctorants voudraient travailler dans le réseau public, seulement 25 % des nouveaux psychologues rejoignent les rangs publics en raison du manque de reconnaissance salariale et d’autonomie professionnelle. De ce petit 25 %, plus de 40 % partent pour le secteur privé dans les cinq premières années.

Nous sommes en droit de nous demander si le débat actuel vise à détourner l’attention du vrai problème : le manque criant de psychologues dans le réseau public en raison des mauvaises conditions de travail, particulièrement des conditions salariales.

Le Québec a le ratio le plus élevé de psychologues par habitant en Amérique du Nord. Il y a plein de psychologues au Québec, mais la majorité œuvre dans le secteur privé, laissant à découvert le réseau public.

Par exemple, un poste de psychologue sur trois est vacant à l’hôpital Sainte-Justine. Ainsi, des enfants très vulnérables ne sont plus traités par des psychologues. Et on prévoit que la situation se détériorera rapidement : le MSSS estime qu’il manquera près de la moitié des psychologues dans le réseau de la santé d’ici 2025.

Les solutions envisageables sont notamment :

  • D’abord et avant tout, régler les problèmes d’attraction et de rétention des psychologues dans le réseau public puisqu’ils sont essentiels pour offrir des services à la population ainsi que pour former et superviser la relève ; 95 % des psychologues estiment que la solution passe par la formation d’un regroupement de psychologues avec droit de négociation.

  • S’assurer que plus d’universités offrent le D.Psy., un doctorat axé sur la formation clinique, moins long que le Ph.D.

  • Améliorer les sources de financement aux étudiants au D.Psy.

  • Transformer le doctorat en psychologie en doctorat de premier cycle pour éviter que de nombreux étudiants se cognent le nez sur la porte d’entrée du doctorat après avoir travaillé très fort pendant leur baccalauréat.

De grâce, ne faisons pas ces réflexions importantes dans l’urgence. Prenons le temps de nous assurer de ne pas diminuer la qualité des soins offerts à la population.

Je vois trop souvent des gens qui se ferment comme une huître puisqu’ils n’ont pas reçu les services psychologiques dont ils avaient besoin. D’autres perdent espoir dans les portes tournantes ou commettent l’irréparable.


DRE KARINE GAUTHIER, PSYCHOLOGUE CLINICIENNE ET NEUROPSYCHOLOGUE, PRÉSIDENTE DE LA COALITION DES PSYCHOLOGUES DU RÉSEAU PUBLIC QUÉBÉCOIS

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